Cette question d’automédication n’est pas une exception dans notre pays. Tous les pays du monde s’en plaignent, et autorités et officines, toutes les parties prenantes, se rejettent la responsabilité et promettent de sévir.
Cela dépend des saisons, mais l’automédication bat son plein en hiver. Le froid, les chocs thermiques que l’on subit, en quittant une grande surface, les bureaux ou tout simplement un domicile chauffé, sont à la base de bien des complications, surtout pour ceux qui ne se sont pas fait vacciner contre la grippe saisonnière. Le Covid ? Personne ne donne l’impression qu’il s’en souvient. Il vit peut-être avec nous, mais se fait « discret ». Dans tous les cas, il ne fait pas ou plus peur.
Avec ou sans ordonnance
Il y a ceux qui continuent de porter un masque dans les endroits où il y a foule, mais la majorité refuse de se soumettre à cette formalité qui est pourtant encore recommandée par les spécialistes. Ces petits bobos sont à la base d’une recrudescence de demandes de médicaments et il n’est pas rare de voir des officines pleines de monde. « Donnez-moi une boîte d’Augmentin, une autre de Clamoxyl et des pastilles pour la gorge ». Sûr de lui, le bonhomme ferait pâlir un généraliste qui a usé ses fonds de culotte sur les bancs de la faculté de médecine. Bien entendu, le pharmacien s’est exécuté et a répondu à sa commande, sans broncher.
Nous ne cherchons pas à savoir si ces médicaments sont soumis à la présentation d’une ordonnance médicale. Le fait que le pharmacien ne l’ait pas exigée suppose qu’elle n’est pas obligatoire. Toujours est-il que ce genre de situations, nous en voyons tous les jours et c’est ce qui met sur la table la question relative à l’automédication.
En fait, ce n’est point cela qui nous interpelle. C’est cette tendance de voir le Tunisien s’adonner à une automédication qui est pour le moins qu’on puisse dire étonnante. « C’est une question qui a plusieurs réponses. La première, c’est un peu par facilité. La personne concernée ressent les mêmes symptômes. Ce n’est pas toujours sûr, en fait, on n’est jamais sûr et seul le médecin peut l’affirmer ». Fort de cette « expérience », il se présente pour acheter le médicament qui l’avait guéri l’année d’avant, lui ou un des membres de sa famille. J’ai vu des personnes se présenter avec des ordonnances qui datent de deux ou trois ans. Ils les conservent pour le cas où ils tomberaient malades. C’est plus économique que d’aller voir un médecin. Au vu du pouvoir d’achat du consommateur tunisien, une visite médicale, ce n’est pas donné », nous précise le pharmacien.
Sans commentaire
Il y a ensuite le problème que pose le passage obligé par le médecin de famille et pour lequel, on débourse aussi de l’argent, même s’il ne fait que renouveler un remède. Opération qu’il effectue depuis des années, mais les Caisses, qui ont peut-être leurs raisons, exigent l’ordonnance et cela se paie. En faisant son calcul, le patient se retrouve gagnant en allant acheter son médicament, sans passer par le médecin de famille. On n’a pas à commenter ce que fait la Cnam ou autres, mais lorsqu’il n’y a pas de changement et qu’on ne fait que renouveler le contenu d’une ordonnance, même ces Caisses, qui imposent l’agrément du médecin de famille, perdent de l’argent. Il y a ensuite ceux qui n’ont pas de quoi aller chez le médecin tout simplement. Les délais d’attente dans les hôpitaux sont si longs qu’on vient demander conseil au pharmacien.
Des situations délicates
«Ce n’est pas notre travail et personne n’en disconvient. Mais on se retrouve souvent dans des situations si délicates qu’on fournit au patient de quoi se soigner, dans les cas où cela ne présente aucun danger comme une grippe saisonnière, une diarrhée, un coup de soleil, etc… Dans le cas contraire et si son état est réellement sérieux, nous en recevons, nous lui conseillons d’aller voir le médecin et nous lui refusons toute prescription», insiste-t-il.
En fin de compte, ces agissements influent-ils sur la situation de la disponibilité des médicaments ? Notre interlocuteur répond : « Oui et non. Oui, si l’on considère que certains de ces médicaments sont achetés par les milliers de touristes qui passent chez nous et qui trouvent que nous avons des prix beaucoup plus avantageux.
Ils s’approvisionnent et ramènent une bonne quantité chez eux. Nous ne pouvons nous opposer et nous leur fournissons ce qu’ils nous demandent. C’est à la douane de faire le reste ». Et de poursuivre, «Non, si l’on considère que les médicaments qui manquent sont le plus souvent ceux avec lesquels on traite des maladies beaucoup plus sérieuses que les maux de tête ou une inflammation ou une brûlure au premier degré. C’est beaucoup plus sérieux et là il y a effectivement un manque sur lequel il est inutile de revenir ».
Il y a toujours un risque
Cette question d’automédication n’est pas une exception dans notre pays. Tous les pays du monde s’en plaignent et autorités et officines, toutes les parties prenantes, se rejettent la responsabilité et promettent de sévir. D’après des sondages récents, 80 pour cent des français y ont recours. Les réseaux sociaux, l’internet, les médias en général, contribuent à cette facilité. Le phénomène de suggestion bat son plein. Pourtant, cette pratique représente un danger, mais tout en le sachant, on se laisse tenter par la facilité, sans accorder de l’importance aux risques que l’on court.
Un médecin consulté est catégorique : « Je comprends un certain nombre de raisons, mais les risques dépassent de loin les avantages. Tout en prenant en compte que, dans le cas où le mal ne guérit pas, l’automédication risque de retarder le diagnostic et de rendre la tâche du médecin plus difficile, et ce, indépendamment du fait que les composants du médicament, l’interaction médicamenteuse, la posologie, les effets secondaires, les allergies, les dates de péremption, etc… sont à prendre en considération. Autre risque, les virus qui se multiplient dans un monde où le respect de l’environnement et les dégradations sanitaires, que l’on enregistre un peu partout, sont des éléments qui imposent des précautions rigoureuses ».
Que conclure ? Tout simplement que l’automédication ne peut être qu’une exception dans des cas bénins. Le pharmacien est le premier conseiller, mais le médecin, surtout si le mal persiste, est incontournable.